L’Histoire
Au cœur de la mythologie nordique s’élève Yggdrasill, le frêne du monde, axe vivant qui relie les neuf royaumes de la création.
Ses trois racines plongent dans les grands domaines de l’existence : l’une vers Ásgard, demeure des dieux ; l’autre vers Midgard, le monde des hommes ; la troisième vers Niflheim, royaume souterrain des morts.
Sous ces racines coulent les trois sources primordiales : celle d’Urd, où les Nornes — Urd, Verdandi et Skuld — tissent le destin ; celle de Mímir, gardienne de la sagesse antique ; et celle de Hvergelmir, d’où naissent les fleuves du monde.
Ainsi, Yggdrasill est à la fois la mémoire, la vie et la mesure — il maintient l’équilibre du cosmos.
Son nom, attesté dans la Völuspá et la Grímnismál (Edda poétique, XIIIᵉ siècle), ainsi que dans la Gylfaginning de Snorri Sturluson (Prose Edda, début du XIIIᵉ siècle), signifie littéralement « le destrier d’Odin » : allusion au sacrifice du dieu, suspendu neuf nuits à ses branches pour recevoir la connaissance des runes.
Autour de lui s’anime le cycle du monde : le serpent Níðhöggr ronge ses racines, symbole de la corruption du temps ; un aigle veille à sa cime, image de la clairvoyance divine ; entre eux, Ratatoskr, l’écureuil messager, court d’un pôle à l’autre, portant les mots de discorde et de mémoire — le mouvement incessant de la vie et de la parole.
Les deux oiseaux gravés de part et d’autre de l’arbre évoquent les corbeaux d’Odin, Huginn (la Pensée) et Muninn (la Mémoire). Dans la foi scandinave, ils étaient les yeux et la voix du dieu : chaque jour, ils s’envolaient à travers les neuf mondes reliés par Yggdrasill, observant les royaumes des hommes, des dieux et des esprits avant de revenir lui murmurer ce qu’ils avaient vu.
Ils symbolisaient ainsi la pensée qui explore et la mémoire qui relie — les deux forces qui maintiennent la conscience du monde.
Entre le VIIIᵉ et le XIᵉ siècle, cette union de l’arbre et des oiseaux fut un thème récurrent dans l’art nordique : on la retrouve sur la pierre de Sparlösa (Suède, vers 800), où un oiseau sacré plane sur un arbre stylisé ; sur la plaque d’Ardre VIII (Gotland, IXᵉ s.), où un arbre central relie ciel et terre ; et sur la croix de Kirk Michael, dans l’île de Man (XIᵉ s.), où entrelacs, bêtes et branches s’unissent dans une même composition cosmique.
Tout ce langage visuel disait une seule chose : l’oiseau relie le ciel et la terre, les dieux et les hommes — rapporteur de la pensée et gardien du savoir.
Mais c’est l’arbre qui soutient leur vol : le lien vivant entre tous les mondes.
Un Héritage vivant
Aujourd’hui, porter Yggdrasill, c’est porter la continuité du monde.
Autrefois, ses racines unissaient les royaumes des dieux, des hommes et des morts ; aujourd’hui, il relie ce que le temps sépare — les origines, les gestes, les croyances.
Symbole du cœur des mondes, il rappelle que chaque être a ses racines invisibles, celles qui nourrissent sans paraître et soutiennent sans faillir.
Les corbeaux d’Odin ne parcourent plus les cieux : leur vol est devenu intérieur, messager de ce que l’on garde et de ce que l’on transmet.
Porter son image, c’est prolonger ce qui fut confié — être un fragment de continuité dans un monde dispersé.
Un Symbole entre foi et force
Saga Draupnir s’incline devant l’arbre qui relie les royaumes et les âges.
Ses branches ne dominent pas : elles abritent, ses racines ne retiennent pas : elles unissent.
Dans l’ordre du monde nordique, tout ce qui vit trouve sa juste place :
le ciel au-dessus, la terre au-dessous, et l’homme entre les deux — gardien du lien.
Le métal en condense l’ordre : l’équilibre ancien s’inscrit dans la matière et y demeure.
Sous la main de l’artisan, cette idée prend forme — héritage transmis d’un monde à l’autre.